"Un témoin et un modeste acteur de l’évolution de la photographie": fondé par un Niçois, le magazine "de l’air" célèbre ses 25 ans

Laurence Lucchesi Publié le 08/07/2025 à 12:30, mis à jour le 08/07/2025 à 12:30
"Il y a exactement 25 ans sortait dans les kiosques partout en France un magazine taille XL, imprimé sur un beau papier pas glacé pour un sou, vendu 29 francs et promettant des "reportages d’un monde à l’autre". Doté d’une maquette élégante et originale (signée Gilles Poplin, l’un des cofondateurs) De l’air souffle un vent nouveau dans l’univers de la presse photo. Pas de star ni de top en couv, pas de test produit ni de conseil sur l’utilisation d’un filtre couleur à l’intérieur, mais des reportages de jeunes photographes comme Grégoire Korganow et Julien Chatelin, tous deux cofondateurs, [...] et Isabelle Eshraghi (VU’), qui témoignait dans son sujet d’une jeunesse iranienne déjà révoltée et nous avait présenté une totale inconnue, Shadi Ghadirian, autrice d’une couverture collector!"
Révélateur de talentsTel est l’édifiant rappel publié, le 18 avril dernier, sur la page Instagram (@de_l_air_magazine) de ce magazine aussi chic qu’éclectique, fondé, comme le rappelle l’Azuréen Stéphane Brasca, co-fondateur et directeur de la rédaction de ce titre pas comme les autres, "sans l’appui d’un groupe de presse ni d’une structure financière". "Un magazine né d’un désir: celui de donner à voir des photographies qui racontent les mondes d’aujourd’hui." Sans jamais se contenter de publier des images iconiques, mais en étant un révélateur de talents, de tous poils et tous horizons. En sortant des autoroutes de l’information. Devenu un objet d’art et de curiosité à lui tout seul, ce magazine (dont les locaux sont établis dans le Vieux Nice, avec vue sublime sur les Ponchettes et la grande Bleue) est "le seul, rappelle-t-il, à avoir bénéficié, pour son dixième anniversaire, d’une exposition à la Maison européenne de la photographie à Paris (la MEP)". Le nec plus ultra des musées dédiés à la photo en France. Une exposition au titre révélateur: "Génération de l’air". Tant ce titre a le don de réunir une génération qui dépasse les clivages.
Témoin et acteur de l’évolution de la photographie"Nous sommes à la fois un témoin et un modeste acteur de l’évolution de la photographie, rembobine Stéphane Brasca. Nous sommes passés ainsi du photo-reportage au mag sociétal, puis au mag qui donne à voir. un moment donné, j’ai senti le virage: la photo a commencé à intégrer la culture, via les salons, Arles, le festival de Cannes, Paris-photos. La photo a pris une dimension artistique, on a vu apparaître de nouveaux acteurs, les prix se sont multipliés: Guerlain, Swiss life, le PMU, la RATP..." Commissaire de plusieurs expositions photographiques, parmi lesquelles on peut citer Portraits croisés (2013) et Patrick Swirc (2013) au théâtre de la Photographie et de l’Image de Nice, ainsi que celle des 6 et 7 juin derniers au festival de la Gacilly, (à l’occasion de laquelle 25 couvertures ont été présentées sur des linéaires de 25mètres de long) Stéphane Brasca a décidé de célébrer les noces d’argent de son titre avec la photo via trois numéros très spéciaux. Le premier consacré à Guillaume Herbaut, ce photographe français qui documente depuis un quart de siècle l’Ukraine, de Tchernobyl à Maïdan en passant par l’invasion russe. Un numéro spécial 25 ans dédié aux couvertures cultes de de l’air, telles que celle du numéro 71, au printemps 2019. Un numéro dédié à l’eau avec en couverture Arno Rafael Minkkinen.
Partenaire d’une résidence à ChâteauvallonDans le numéro 89, on retrouve un jeune photographe de 35 ans, Guillaume Blot, qui vient de faire la tournée des routiers français pour un nouveau livre phénomène paru chez Gallimard. Quant au deuxième numéro très spécial, celui du 4 juillet, (dont la couverture est signée Peter Dench, voir ci-contre) réalisé à l’occasion des Rencontres d’Arles et du festival de la Gacilly largement mis à l’honneur dans ces pages il réunit 83 photographes de 25 à... 95 ans, qui contribueront avec une photo réalisée par chacun l’année de leurs 25 ans. Enfin, outre un 3e numéro très spécial cet automne, un film, une expo au Salon de la photo à Paris du 9 au 12 octobre et une autre à Photo days du 3 au 30 novembre, ainsi qu’une participation au nouveau festival itinérances Foto à Sète, de l’air collabore au "Balcon", une résidence photographie initiée par Charles Berling et la scène nationale Châteauvallon-Liberté. En 2025, à l’occasion du soixantième anniversaire de Châteauvallon, une carte blanche a été donnée jusqu’au 20 septembre 2025 à Floriane de Lassée, pour illuminer, dixit l’intéressée, "cet illustre lieu dédié à la création, aux arts et à la pensée".
À l’image du magazine de l’air, laboratoire polymorphe apte à saisir tous les courants au travers des différentes ères, avec grâce et fluidité.
Savoir+
29 euros pour 4 numéros par an ou 8 numéros/2 ans: 58 euros. www.delair.fr
Parmi les contributeurs réguliers du magazine de l’air : Grégoire Korganow, Julien Chatelin, Bertrand Desprez, Guillaume Herbaut, Georges Rousse, le regretté Jérôme Brézillon, Dominique Tarlé, le studio Dupon, « la crème de la photo aujourd’hui » dixit Stéphane Brasca.
« Pour qui le contre-champ, le hors-champ, comptent autant que le plein-champ. Ils ne sont pas dans une démarche de compétition, d’urgence, ils vont soigner le cadrage, réfléchir à l’histoire. Donner à regarder, à apprécier, avant ou après l’événement, pas pendant. Il y a aussi ces photographes qui écrivent avec la lumière, avec l’image. Auxquels nous avons filé des portfolios. Et peu à peu, on s’est ouverts à la mode, au paysage, à la photo vintage, plasticienne, aux nus, aux autres écritures photographiques. On a fait un magazine de photos à part, créé une famille, celle de la photo d’auteurs. Et on a été rejoints par des titres comme Polka, Fisheye, ou par Like la revue. On n’est pas le plus fort, le plus puissant, mais on est le plus ancien. Et ça, pour le coup, c’est historique. Car on assiste désormais à un énorme succès de la photo d’auteur, partout des gens se réclament de cette démarche. »
Marc Pollini, Camille BrasseletDénicheur de talents s’il en est, de l’air collabore aussi avec le photographe d’origine corse Marc Pollini, auquel on doit notamment le livre en forme de journal photographique La vallée avalée La Vésubie, sur les traces de la tempête Alex ainsi qu’un très poétique ouvrage consacré aux oiseaux, publié par de l’air, des livres.
La partie bouquins, où l’on découvre d’ailleurs au passage des pépites comme Côte d’Azur, le carnet d’adresses précieux joliment illustré par Loïc Alsina et dans lequel Stéphane Brasca a sélectionné quelque 139 lieux : musées, restaurants bistronomiques, bars à vins, boutiques de déco, librairies, plages, galeries et autres cabinets de curiosités.
Ou le livre L’aire de rien, avec les photographies d’Anne Favret et Patrick Manez, qui poursuivent depuis une trentaine d’années une réflexion sur le paysage habité. Autre belle rencontre : celle qui a eu lieu avec une jeune photographe de 26 ans, Camille Brasselet, biberonnée aux films de Pedro Almodovàr ou de Jacques Demy.
Lauréate du prix le 19M de la Photographie des métiers d’art (dans le cadre du Prix Picto de la mode 2022) cette coloriste autoproclamée tendance pastel multiplie les collaborations avec des marques de mode et la presse magazine. À découvrir dans le numéro 89 de de l’air.
Var-Matin